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L A   F E M M E    A U   P I G E O N

Hiver 1954 - 1955

Lettre à Antoine:

​

"Au mur j'ai épinglé une gouache qui me plaît et surtout qui enfin m'a fait avancer d'un pas. 

C'est un visage de femme dont la pensée et l'expression me troublent.  C'est idiot peut-être, mais  c'est comme ça.  Tu sais, ce n'est pas son visage qui me plaît mais l'émanation de son visage.  La faiblesse des mains m'ennuient.  Elles sont mortes, peut-être que j'arriverai à changer cela.

C'est une femme qui peut avoir trente ans, dont la bouche mobile exprime un désir indéfini inassouvi et les yeux une tendresse mêlée d'ironie.  En elle, rien de repu.  Je l'imagine incapable d'être déçue, mais toujours éveillée vers d'autres désirs.  Elle n'est pas jolie jolie, mais ça doit la laisser parfaitement indifférente.  Elle est consciente de sa valeur et a travaillé sa personnalité à fond.  Son expression légèrement ironique est le reflet de la connaissance approfondie d'elle-même. 

​

Femme et Pigeon.jpg

Elle connait ses possibilités et à touché ses limites.  Elle n'est absolument pas dupe d'elle-même.  Racée, il y a certainement du sang slave ou Orientale en elle.  Elle se mesure avec insolence à la pureté de ligne d'un pigeon qu'elle tien en main et porte un blouse rose bizarre et une jupe grenat avec assurance.  Je pense que sur moi, ces vêtements seraient impossibles, mais sur elle, ça ne choque absolument pas.

  Si j'étais un homme, je pourrais en être dangereusement amoureux et j'essayerais de lui ôter cette expression insolente d'un être qui se suffit à lui-même.  Je doute d'y arriver et je deviendrais sans doute très malheureux.  C'est un être qui attire par je ne sais qu'elle émanation de présence.  Elle est pleine de promesses et ne doit en tenir aucune.  Elle est pleine de rêves et sa douceur empoisonnée doit être néfaste.

En elle, rien de mesquin, rien d'arrêté.  Tout le contraire de la femme assise.​

Quand j'ai fait ce dessin, je cherchais un visage qui me plairais sans très bien savoir quoi...tu vois, le hasard...la part du hasard en peinture est énorme.

Il m'est arrivé de faire des visages de femmes que j'abominais.  Des visages suavement imbéciles et lourds, je ne sais pourquoi."

Poucette

Hiver 1954-1955

Lettre à Antoine Battesti avant de devenir son épouse.

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